Comprendre l’émaillage en poterie en 25 min
Définition claire de l’émaillage en poterie : c’est un enduit vitreux qui recouvre un tesson céramique
En poterie, l’émail est une fine couche de verre appliquée sur une pièce en céramique cuite, que l’on appelle le tesson. Lors de la cuisson, cette couche fond et se vitrifie, formant une surface lisse, souvent brillante, qui recouvre la terre.
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Ce revêtement a une double fonction : il protège la pièce de l’humidité, des taches ou de l’usure, tout en apportant une dimension esthétique. Transparent ou coloré, mat ou brillant, l’émail transforme une forme brute en objet fini, enrichi de nuances, de textures et de profondeur visuelle.
De quoi est composé un émail ?
Ma recette d’émail transparent pour ton émaillage en poterie
Les composants en proportion
L’émail transparent est l’un des plus fondamentaux en poterie. Il sert souvent de base pour d’autres recettes, et permet de révéler la couleur naturelle de la terre ou les décors posés en dessous.
Je te donne ma recette d’émail transparent de grès qui repose sur le mélange de 4 minéraux en proportion 4,3,2,1 :
- Le feldspath potassique (orthose) 40 % : il agit à la fois comme fondant et comme source d’alumine et de silice. C’est l’élément structurant de nombreuses recettes.
- Le quartz 30% : il renforce la présence de silice dans la formule, essentiel à la vitrification.
- La craie 20% : riche en carbonate de calcium, elle joue un rôle de stabilisateur du verre et participe à la fusion globale.
- Le kaolin 10% : c’est une argile blanche très pure qui apporte de l’alumine et stabilise l’émail.
Ensemble, ces ingrédients permettent d’obtenir un émail, un verre transparent. Il est souvent utilisé tel quel, ou comme base à colorer ou opacifier. Pour le colorer, il faudra donc rajouter des colorants : soit des oxydes métalliques, soit des colorants industriels.
D’où viennent ces minéraux ?
3 des ingrédients de l’émail transparent trouvent leur origine dans le granit, une roche très commune dans la croûte terrestre. Avec le temps et l’érosion, le granit se décompose et se transforme en plusieurs minéraux, dont notamment ces 3 minéraux constitutifs de notre émail transparent :
- Le feldspath : c’est un minéral riche en silice, mais aussi en potasse (ou en soude) et en alumine. C’est un ingrédient-clé des émaux, à la fois fondant et contributeur de texture.
- Le quartz : c’est de la silice pure (Si02), sous forme cristalline. C’est lui qui apporte la transparence et la structure du verre.
- Le kaolin : il s’agit d’une argile blanche, très pure, contenant à la fois de la silice et de l’alumine. Elle donne de la douceur à l’émail et participe à sa stabilité.
Et pour la craie ?
La craie : contrairement aux trois précédents, elle ne provient pas du granit, mais de la décomposition de micro-organismes marins. Elle est riche en carbonate de calcium, un stabilisant indispensable pour renforcer la résistance du verre.
Le phénomène clé : l’eutectique
Abaisser les températures de fusion
Dans la nature, chaque élément fond à une température bien précise. Par exemple, la silice, pourtant indispensable à la formation du verre, ne fond qu’à 1700 °C. Quant au calcium, sa température de fusion dépasse les 2600 °C. Or, aucun four de potier ne peut atteindre de telles chaleurs, et ce serait d’ailleurs ni pratique ni raisonnable en atelier.
Heureusement, la chimie des matériaux nous offre un phénomène passionnant : l’eutectique. Il désigne une propriété particulière selon laquelle deux ou plusieurs substances fondent à une température plus basse lorsqu’elles sont combinées, que si elles étaient fondues séparément.
Appliqué à la poterie, cela signifie que lorsqu’on associe de la silice et du calcium (via la craie), on peut abaisser leur température de fusion jusqu’à environ 1100 °C. C’est ce qui rend l’émaillage possible dans des fours céramiques courants, sans avoir à atteindre des températures extrêmes.
C’est une véritable magie de la matière : des éléments, initialement rétifs au feu, se mettent à fondre harmonieusement lorsqu’ils sont bien accompagnés. L’eutectique est donc un levier fondamental dans la formulation des émaux.
Comprendre le « triangle du verrier »
Les trois rôles dans la formation du verre
Pour former un émail stable, fondu, et durable, il faut équilibrer trois grandes fonctions, que les verriers (et les potiers) visualisent souvent dans un schéma appelé triangle du verrier.
- Le formateur : c’est le cœur du verre, en l’occurrence la silice. Elle constitue l’ossature, le réseau vitré principal. Sans elle, on ne peut pas obtenir cette pellicule vitreuse qui définit l’émail.
- Le modificateur : il agit comme un fondant. Ce sont des oxydes alcalins comme la potasse ou la soude, présents notamment dans le feldspath. Leur rôle est de fluidifier le mélange, et surtout d’abaisser la température de fusion, ce qui rend le processus accessible dans un four de potier.
- Le stabilisateur : une fois le verre formé, il faut l’empêcher de se dégrader ou de se craqueler. Le calcium, souvent apporté sous forme de craie, est le stabilisateur principal. Il donne au verre sa résistance dans le temps, sa solidité et sa tenue.
À ces trois rôles s’ajoute un quatrième acteur important : l’alumine. On la retrouve dans certains minéraux comme le feldspath ou le kaolin. Son action est subtile : elle renforce la structure du verre, mais en contrepartie, augmente légèrement la température de fusion. Elle est souvent dosée avec soin pour assurer la solidité mécanique de l’émail sans le rendre trop rigide ou cassant.
Comprendre ce triangle, c’est entrer dans le langage des émaux. Cela permet de concevoir, d’adapter ou de corriger une recette avec plus de liberté. C’est aussi une belle manière de percevoir le lien entre la terre, le feu et les minéraux.
Exemple visuel : le feldspath seul
Si l’on prend du feldspath seul, on observe qu’il peut fondre et former une couche vitreuse, mais le résultat est incomplet : la surface manque d’homogénéité, le nappage reste fragile, et des zones peuvent se craqueler ou se détacher.
En ajoutant simplement de la craie, la texture devient immédiatement plus stable et plus cohérente : l’émail s’accroche mieux au tesson, forme une surface plus continue, plus brillante et surtout plus résistante.
Cette expérience simple illustre à quel point chaque ingrédient compte. L’équilibre des proportions n’est pas qu’une formule, mais une réalité tangible dans le four.
Le Shino : un émail à base de feldspath
Je te présente Pascal Geoffroy
Recette simple, effets riches
Le Shino est un émail emblématique d’origine japonaise, apprécié pour sa texture particulière et ses nuances imprévisibles. Il repose sur une formule volontairement minimaliste :
- 85 % de feldspath
- 15 % d’argile (souvent kaolin ou argile locale)
Cet émail tire toute sa richesse de la cuisson, de la terre utilisée, et des épaisseurs déposées. Il peut apparaître laiteux, granuleux, ou former des zones plus vitrifiées. C’est un émail vivant, qui révèle toute sa beauté lorsqu’on laisse au feu le temps d’agir.
Trois variantes traditionnelles
Le Chino se décline en plusieurs formes, selon la composition exacte, la terre support ou l’atmosphère de cuisson :
- Shiro Shino : un émail blanc, épais et doux, presque neigeux.
- Aka Shino : une version rouge, lorsque la terre contient du fer. Les ions de fer migrent vers la surface pendant la cuisson en réduction.
- Gris Shino : où des oxydes (dans l’argile ou l’émail) donnent des teintes plus sombres, nuancées, parfois légèrement bleutées ou argentées.
Le Shino incarne une approche très sensible de l’émail : on y cherche moins la régularité que l’émotion. Chaque pièce est unique, façonnée par le feu, le temps et la matière.
Ajouter des effets : colorants et opacifiants
Les recettes d’émail transparent offrent une base idéale, mais on peut ensuite les enrichir pour obtenir des effets visuels variés. Deux grandes familles d’ajouts permettent de transformer l’apparence finale de l’émail : les oxydes métalliques opacifiants, qui modifient la translucidité, et les oxydes métalliques colorants , qui ajoutent de la couleur.
Les opacifiants
Un émail transparent peut être rendu plus ou moins opaque grâce à l’ajout de d’oxydes métalliques.
- Zircon (ZrSiO₄) : c’est l’opacifiant le plus efficace pour obtenir un blanc pur, dense et lumineux. Il n’altère pas les autres couleurs et donne un rendu très net.
- Oxyde de titane (TiO₂) : il opacifie en réchauffant la teinte. Il produit un blanc plus chaud, parfois légèrement crème ou jaunâtre, avec un effet plus organique.
- Oxyde d’étain (SnO₂) : traditionnellement utilisé dans les émaux de faïence, il donne des blancs laiteux et entre dans la composition de certains roses (lorsqu’il est associé à du chrome).
Chaque opacifiant a sa propre « voix », et le rendu final dépendra aussi de la cuisson et de la terre choisie.
Les colorants
Pour l’émaillage en poterie avec des colorants, on utilise de petites quantités d’oxydes métalliques, qui réagissent au feu de manière spectaculaire. Il faut toutefois les manier avec prudence, car ils sont très puissants et peuvent influencer la texture de l’émail autant que sa teinte.
- Cobalt : un des plus puissants. Une infime quantité suffit à produire un bleu intense. Il peut aller du bleu clair au bleu nuit selon la dose et la base d’émail.
- Cuivre : selon l’atmosphère de cuisson, il donne soit un vert lumineux (en oxydation), soit un rouge profond (en réduction). Il est très sensible au contexte de cuisson.
- Fer : il donne des teintes allant du marron au noir en passant le rouge brique.
- Chrome : utilisé seul, il donne du vert sapin, vert anglais. Utilisé en combinaison avec de l’étain, il donne de jolis roses appelés des « pink ».
Chaque colorant interagit avec la composition de l’émail, mais aussi avec la cuisson : la température, le type de four, et surtout l’atmosphère (oxydante ou réductrice) sont des facteurs déterminants.
L’influence déterminante de la cuisson
La cuisson est l’étape finale — et souvent la plus décisive — dans le processus d’émaillage. Même avec une recette bien équilibrée, un dosage précis et une application soignée, le rendu final dépendra toujours du feu. Comprendre comment la cuisson influence l’émail permet d’anticiper les effets, de les ajuster, ou au contraire, d’en accueillir les surprises.
Type de cuisson
Le type de four utilisé a un impact majeur sur l’émaillage en poterie, car il définit l’atmosphère de cuisson.
- Four électrique : il fonctionne en atmosphère oxydante, c’est-à-dire avec une présence constante d’oxygène. Les couleurs des émaux y sont généralement plus stables, plus prévisibles. Les résultats sont souvent nets, mais parfois un peu « plats », ce qui n’empêche pas de très belles nuances.
- Four à gaz ou à bois : ces modes de cuisson permettent de créer une atmosphère réductrice, en limitant l’apport en oxygène. Cela modifie profondément le comportement des oxydes métalliques. Par exemple, le cuivre, vert en oxydation, devient rouge en réduction.
La réduction donne aussi des effets de surface particuliers, des migrations de couleur, et renforce souvent la profondeur des émaux. Elle demande cependant une bonne maîtrise technique.
Vitesse et atmosphère
La courbe de cuisson – c’est-à-dire la vitesse de montée en température, les éventuels paliers, et la durée totale – joue elle aussi un rôle crucial.
Une montée lente, parfois sur plusieurs heures, permet aux éléments de bien interagir entre eux. C’est particulièrement vrai pour les émaux comme le Shino, qui nécessite une cuisson longue (environ 20 heures) pour que les oxydes de fer migrent lentement à la surface de l’émail, créant ainsi des nuances riches et imprévues.
Plus la cuisson est lente et progressive, plus elle permet de révéler des textures subtiles, des transitions de couleur, et d’éviter les tensions dans l’émail qui peuvent provoquer des craquelures ou des décollements.
Autres facteurs clés
Outre le type de four et la courbe de cuisson, d’autres éléments influencent fortement le résultat final sur l’émaillage en poterie :
- La couleur de l’argile : un même émail appliqué sur un grès blanc ou un grès brun ne donnera pas du tout le même effet. La terre, par sa composition et sa couleur, interagit avec l’émail et modifie sa perception.
- L’épaisseur de la couche d’émail : En focntion de l’épaisseur de pause de l’émail, le rendu sera différent, plus ou moins foncé ou clair par exemple. Parfois, un simple excès localisé provoque des coulures, ou au contraire des opacités intéressantes.
- La superposition d’émaux : en juxtaposant deux émaux, on obtient des effets complexes, parfois inattendus. Ces interactions peuvent créer des textures, des dégradés, ou des zones de fusion particulière.
Conclusion : Ce qu’il faut retenir sur l’émaillage en poterie
L’émail en poterie, si délicat en apparence, est le fruit d’un équilibre précis entre la chimie des minéraux et des métaux et l’action du feu. C’est un verre, formé par la fusion de matières naturelles comme la silice, le feldspath, la craie ou le kaolin.
Son apparence finale dépend de plusieurs facteurs fondamentaux :
- La composition chimique : chaque ingrédient a un rôle spécifique, et leur proportion influe sur la texture, la brillance, la fusion.
- La température de cuisson : trop basse, l’émail reste mat ou craquelé ; trop haute, il peut couler ou perdre ses effets.
- L’atmosphère du four : oxydation ou réduction modifient la couleur des oxydes et donnent des résultats radicalement différents.
- Le support en argile : la nature et la teinte de la terre modifient la réaction de l’émail à la cuisson, parfois de manière très marquée.
Finalement, l’émaillage en poterie, c’est dialoguer avec la matière. On compose, on ajuste, mais c’est toujours le feu qui, en dernier lieu, révèle le résultat.
Pour apprendre la technique du trempage regarde l’émaillage du grès
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Anne Rouillé
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